Un enfant pleure son père mort en déportation.
La Libération (traduction)
Les nouvelles étaient encourageantes
Les troupes alliées gagnaient du terrain
Il y avait à nouveau de l’espoir
après de tristes et sombres journées
Persécutés et considérés
comme indignes de vivre
nous sommes restés dans des cachettes
Effrayés par la lumière du jour
Je n’avais qu’un an
Je le connaissais à peine
Je l’aimais
c’était MON Papa
Un certain jour, il n’est pas revenu
Sans espoir, j’ai toujours attendu
Comme une prière avant d’aller dormir
Je murmurais son nom
Victoire après victoire
nos libérateurs remportaient
De plus en plus, ils approchaient
Anxieusement, nous attendons la libération
Le jour viendrait où
Je ne devrais plus murmurer son nom
Nos libérateurs étaient partout
Au milieu d’une liesse générale
Nous avions surmonté
l’ impitoyable terreur SS
Jour après jour, je suis allé
tenant la main de ma Maman
attendre les trains
des survivants
Une photo en main
J’ai cherché dans la masse
De moins en moins de trains arrivaient
J’ai continué à chuchoter son nom
M’avait-il laissé tomber
Je l’aimais tellement
Après tant d’années
Je L’attends toujours
Mon Papa
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Ce poème a été écrit par Norbert Vos-Obstfeld en mémoire de son père, Abraham Obstfeld, qu’il a à peine connu.
Abraham Obstfeld est né le 11 juin 1903 à Mielec, une ville du sud-est de la Pologne. Au moment de l’invasion allemande, 2 800 Juifs formaient la moitié de sa population. En mars 1942, presque tous ont été déportés au centre de mise à mort de Bełżec.
Abraham Obstfeld s’établit à Anvers, Provinciestraat, 210. Il se déclare ouvrier diamantaire mais travaille surtout comme ouvrier d’usine. Entre 1929 et 1938, sans doute en fonction des emplois qu’il trouve, il déménage souvent : d’abord à Borgerhout, rue Van der Meyden, puis à Charleroi, Rue Chavannes, à Bruxelles, rue du Chasseur, à Saint-Gilles, rue Joseph Claes et rue Emile Féron, à Anderlecht, rue Brogniez, à Ixelles, rue Crespel, et à Bruxelles, rue de l’Aurore.
C’est en 1939 qu’il épouse Léa Zwaaf, jeune femme juive originaire d’Amsterdam.
En 1939, le couple s’établit à Schaerbeek, rue Vandenbussche, 510. Abraham est commerçant de fournitures de couture et Léa travaille comme corsetière.
En 1940, le couple, accompagné des parents de Léa, Marcus Zwaaf et Sara Vos, ont fui devant l’arrivée des troupes du Reich. Leur but était de rejoindre l’Angleterre. Malchanceux, ils ratent le départ du dernier bateau et sont contraints de rentrer à Bruxelles.
Quelques mois plus tard, le commerce d’Abraham ayant été mis sous scellés par l’occupant, le couple prend la fuite, cette fois vers la France libre afin de se réfugier le plus rapidement possible en Espagne. Léa est enceinte. En juillet 1941 à Pau naît le petit Norbert.
Marcus Zwaaf et Sarah Vos avec une cousine de Nobert, Jacqueline, née en 1938. Anvers, 1941-1942
Léa, trop inquiète pour ses parents, souhaite rentrer en Belgique, mais plus à Anvers. La petite famille s’installe à Uccle, Avenue Brugmann.
Dans la nuit du 28 au 29 août 1942, la Sipo-SD assistée par la police anversoise opèrent la 2e rafle de Juifs dans cette ville. Dans la Marsstraat, 6 personnes sont arrêtées. Au n° 55, ils arrêtent Marcus Zwaaf, 51 ans, et Sarah Vos, 53 ans. Déportés par le Transport VII, ils sont vraisemblablement assassinés dès leur arrivée à Birkenau.
Quelques jours plus tard, Abraham Obstfeld est arrêté le 3 septembre 1942 sur le train Anvers-Bruxelles et enfermé à la prison de Saint-Gilles. Le 8 octobre, il est transféré à la caserne Dossin.
© KD – Fonds Norbert Vos
Le 9 octobre 1942, Abraham, détenu au camp de rassemblement de Malines, écrit ses derniers mots à son épouse et son fils bien-aimé. Cette lettre déchirante témoigne de sa détresse.
Inscrit sur la liste du Transport XIII, Abraham Obstfeld, 39 ans, est déporté le 10 octobre 1942 vers Auschwitz.
Son convoi fait halte à Cosel. Âgé de 39 ans, il descend du train et est mis au travail dans les camps de travail forcé. Sa route croise celle d’Emile Vos, déporté par le Transport VII. Emile se souvient d’Abraham, qui lui prêtait sa gamelle à Auschwitz. Tombé malade, il est envoyé au Revier. Trop faible, il est assassiné dans les chambres à gaz de Birkenau.
Léa Zwaaf et le petit Norbert échappent à la déportation grâce à la famille Verhaegen-Leenknecht, qui les cache à Courtrai. Le petit Norbert y est choyé et considéré comme le cadet de la famille.
© USHMM – courtesy of Norbert Vos
Mona, son père Raymond Leenknecht et Norbert | Julia Verhaegen, Mona, Norbert et Léa
En 1987, Julia Leenknecht, son époux Raymond Leenknecht sont reconnus “Justes parmi les nations” par Yad Vashem.
En 1951, Lea Zwaaf et Emiel Vos se marient et prennent bien soin de Norbert Obstfeld. Emiel, meurtri par la perste de sa famille, adopte Norbert, qui porte désormais son nom.