Eugène Hellendall mène une vie bien remplie pendant la Seconde Guerre mondiale. Membre de l’Association des Juifs en Belgique, il essaie d’alléger la souffrance de ses coreligionnaires. Il s’oppose à l’occupant tant en public que dans la clandestinité. Après avoir échappé de justesse une première fois à la déportation, le 24 octobre 1942, les nazis…
Eugène Hellendall est le fils aîné de Charles Hellendall et Alida ‘Aaltje’ Wolf. Ce couple de Juifs néerlandais s’installe à Schaerbeek en décembre 1903. C’est là qu’Eugène voit le jour le 18 octobre 1905. Il y mène une jeunesse insouciante avec sa sœur Élisabeth. Devenu adulte, il devient directeur d’une entreprise textile. Les relations internationales qu’il développe lui seront utiles sous l’occupation allemande. Après son mariage avec Flora Cahn, il déménage à Watermael-Boitsfort. Le 20 novembre 1930, Charles-Michel vient au monde, qui sera rejoint par Jacques le 1er mai 1933.
Le 10 mai 1940, les Allemands envahissent la Belgique. C’est le début de quatre années d’occupation : pour les gens ordinaires, les temps sont difficiles, pour les juifs, ils s’avèrent mortels.
En novembre 1941, l’occupant nazi ordonne la création de l’Association des Juifs en Belgique (AJB). Cette organisation qui occupe uniquement des Juifs est responsable de l’enregistrement de tous les Juifs ainsi que du suivi des affaires qui les concernent. Pour les nazis, cette association est une manière d’impliquer les Juifs dans leur propre destruction, pour la résistance, il s’agit de collaboration.
Eugène Hellendall est actif au sein de l’AJB. Trésorier du comité local de Bruxelles, il assiste aux réunions bihebdomadaires et participe à la prise des décisions. Derrière sa façade d’homme apparemment accommodant se cache un esprit de résistance. Avec Salomon Vanden Berg, le Président du comité local de Bruxelles, et Lazare Liebmann, président de l’amicale des anciens prisonniers civils de la guerre 14-18 et secrétaire de la société d’inhumation de Bruxelles, Eugène Hellendall entreprend des démarches en faveur de la population juive. Lorsque les premières convocations invitent les Juifs à se présenter à la caserne Dossin, Lazare Liebmann obtient une audience auprès de la Reine Élisabeth, bien qu’il soit strictement interdit aux Juifs de s’adresser directement aux autorités belges.
Suite à une lettre d’Élisabeth à Hitler, le Führer accorde quelques concessions. Les familles arrêtées ne seront pas séparées, les déportés seront traités correctement et les Juifs belges seront exemptés de la déportation.
Suite à une requête de la Reine Élisabeth auprès de Hitler, le secrétaire de la Reine fait savoir à la Croix-Rouge les dispositions prises par l’occupant en ce qui concerne la déportation des Juifs de Belgique : pas de séparation des familles, envoi d’un observateur de Berlin, traitement décent, exemption des Belges de la déportation, visites autorisées à Malines
Presque un mois plus tard, Eugène commet un second acte de résistance. En tant que cofondateur du Comité de Défense des Juifs (CDJ), il est à la base d’une organisation de résistance spécialisée dans le sauvetage d’enfants juifs cachés sous de faux noms dans des institutions religieuses ou des familles. Le CDJ procure aussi de faux papiers d’identité aux Juifs.
Quelques jours plus tard, des résistants communistes juifs assassinent Robert Holzinger, le chef de la mise au travail de l’AJB. En représailles, la Sipo-SD procède à l’arrestation de dix-neuf Juifs. Hellendall, coupable d’avoir sollicité la reine, fait partie du lot. Il est enfermé à Breendonk. Cependant, l’intervention de l’AJB obtient la libération de ses membres. Le 3 octobre, Hellendall rentre chez lui. Malgré son expérience des derniers jours, il refuse de se cacher et continue obstinément à assister deux fois par semaine aux réunions de l’AJB. Il refuse également de porter l’étoile jaune obligatoire. Le 23 octobre, la Sipo-SD l’arrête ainsi que sa famille. Eugène Hellendall, sa femme, ses enfants et ses parents sont envoyés à la caserne Dossin, d’où tous sont déportés dès le lendemain à Auschwitz-Birkenau.
Des rapports de l’AJB et une transcription de l’interrogatoire de Hellendall et de sa femme nous apprennent ce qui s’est exactement passé le jour de leur arrestation. Le 23 octobre 1942, Eugène et sa femme ont quitté leur domicile sans porter leur étoile jaune. Lors d’un contrôle, ils ont été arrêtés, en dépit de leur nationalité belge.
Ironiquement, la promesse faite par Hitler, résultat de l’audition d’Eugène Hellendall, Lazare Liebmann et Salomon Vanden Berg à la Reine Élisabeth, s’est retournée contre les Juifs : la Sipo-SD a veillé que les enfants accompagnent leurs parents à la Caserne Dossin. Ceci s’applique ici à la famille Hellendall. L’AJB, informée des événements le 26 octobre, demande la libération de la famille par l’intermédiaire de la reine. Quelques jours plus tard, l’AJB est informée du départ du Transport XV le 24 octobre. Une requête de libération d’un détenu du camp est inéluctablement vouée à l’échec.
Arrivés à destination, les parents d’Eugène, 67 ans, sa femme, 35 ans, et ses enfants, Charles-Michel et Jacques, âgés respectivement de 11 et 9 ans, sont immédiatement gazés dans l’un des Bunkers de Birkenau. Aucun d’eux n’avait la moindre chance de passer la sélection. Quant à lui, Eugène vient d’avoir 37 ans. Gardé pour le travail forcé, Hellendal est identifié par le matricule 70 427 tatoué sur son bras.
Eugène Hellendall meurt dans le camp de concentration de Dora-Mittelbau en mars 1945, un mois avant la libération de ce camp.
Noé Nozyce, déporté le 19 avril 1943 par le Transport XX, avec son épouse et ses 2 enfants, Gisèle, 10 ans et Robert, 7 ans, est rapatrié seul en 1945. Sa famille n’a pas survécu.