Erwin Haber

Quelques messages désespérés jetés hors du wagon de déportation par Erwin Haber, 17 ans, sont des bribes d’un destin familial tragique.

 

Devant la menace de voir toute sa famille déportée, Erwin Haber se présente à la caserne Dossin, probablement le 2 août. Déporté par le premier transport, le 4 août 1942, il griffonne quelques mots en Allemand destinés à sa grand’mère, Léontine Schwarz-Federer ainsi qu’à sa voisine, Madame Van der Elst. Il y détaille les conditions de transport. Le train, composé de wagons de passagers, déporte 1.000 personnes, dont des enfants. Les Schupos, des gardiens allemands, ont annoncé que le voyage durerait 4 jours. Passé par Louvain, Tirlemont et Saint-Trond, en route vers l’Allemagne, il suppose que la destination finale est la Pologne.

Le jeune homme supplie, cette fois en Français et en Néerlandais, celui qui trouvera ses billets de les mettre sous enveloppe et de les poster. Il insiste : il n’est pas nécessaire d’affranchir le courrier, sa famille payera les frais de port.

Erwin & Kitty Source: Collection privée

Source: AGR-Police des étrangers

Erwin Haber et sa sœur Kitty sont nés à Vienne, lui en 1924 et elle, en 1927.
Ils sont arrivés en Belgique en février 1939 à bord d’un Kindertransport de 250 enfants juifs réfugiés du Reich. Ces transports d’enfants sont une opération de sauvetage de quelques milliers d’enfants de moins de 17 ans. Après la Nuit de Cristal, la Grande-Bretagne accepte d’accueillir ces mineurs. En aucun cas ces derniers ne peuvent être accompagnés de leurs parents.

Source: AGR-Police des étrangers

Certains convois transitent par la Belgique où les enfants sont pris en charge par des associations ou des particuliers, telle que le comité d’assistance aux réfugiés juifs, 33-35, rue de la Caserne et la Section pour l’enfant juif d’Allemagne, située 155, Lange Leemstraat. Cette organisation dépend de l’Administration centrale de bienfaisance et d’assistance sociale juives.

 

Source: AGR-Police des Étrangers

Il requiert une autorisation de séjour en tant que réfugié politique. Il s’établit à Anvers, Lange Kievitstraat, 7, en attendant l’autorisation d’émigrer en Bolivie, autorisation qui ne sera jamais délivrée.

Ses enfants, Erwin et Kitty, l’y rejoindront plus tard… sans leur mère.

Dans les faits divers, le journal «Le Peuple» du 16 avril 1939 relève un « nouveau drame de l’émigration » : le 14, lors de sa tentative de franchir clandestinement la frontière belgo-hollandaise, Nelly Schwarz est mortellement blessée par une balle dans le dos. Les douaniers ont tiré sur le véhicule à bord duquel elle se trouvait. Son corps a été déposé à Anvers, Lange Kievitstraat, 7, devant le domicile de son époux.

Source: AGR-Police des Étrangers

La balle qui a tué Nelly Scwharz a été conservée par Kitty.
Source: collection privée

En décembre 1940, Erwin et Kitty sont placés en résidence forcée dans le Limbourg. Une fois cette mesure levée, ils quittent Anvers pour aller vivre chez leur grand-mère, rue du Jardinier, 8 à Molenbeek, Bruxelles.
Dans les tous premiers jours d’août 1942, Erwin Haber s’est vraisemblablement présenté au camp de rassemblement de Malines muni de sa convocation pour une fallacieuse mise au travail. Sur la liste de déportation du premier transport, son nom apparaît en regard du numéro 818.

Source: DGVG-Bruxelles

Arrivé à Auschwitz le 5 août, Erwin Haber est sélectionné pour le travail dans le camp de concentration. Confronté à une épidémie de typhus, à la dénutrition, à l’épuisement ainsi qu’aux mauvais traitements, le jeune homme succombe après quelques semaines. Son décès est enregistré le 10 septembre 1942 dans les Sterbebücher, le recueil des actes de décès survenus à Auschwitz.

Quant à son père, Samuel Haber est arrêté le 10 mai 1940 par les autorités belges comme étranger suspect. Il est interné dans les camps d’internement du sud de la France, Rivesaltes, Saint-Cyprien puis Gurs. De Gurs, il est transféré au camp de rassemblement de Drancy, d’où il est déporté le 4 mars 1943, par le Transport 50. Ce transport transite par le centre de mise à mort de Sobibor où l’essentiel des déportés sont gazés. Les rares personnes qui ont échappé à cette extermination sont envoyées à Majdanek. En 1945, on ne recense que 4 survivants. Samuel Haber n’en fait pas partie.

Léontine Schwarz-Federer et Kitty Haber, la sœur d’Erwin, échappent toutes deux à la déportation. Kitty Haber émigre en décembre 1950 à Buenos Aires, en Argentine.

Source: Collection privée

Kitty Haber a conservé soigneusement tous les documents et toutes les photos qu’elle a pu retrouver concernant le destin tragique de sa famille.

En 2017, l’historien Cyril Rubens publie une biographie de Kitty. Décédée à Brooklyn le 10 avril 2016, elle  ne découvrira jamais ce livre.

Kitty & Cyril
Source: collection privée

Kitty & Cyril Source: collection privée