Le 15 janvier 1944, le transport 23 quitte la caserne Dossin à Malines pour Auschwitz-Birkenau. Le temps des grands transports est révolu, car de nombreux Juifs se sont cachés ou ont fui. Les 659 personnes du convoi ont toutes été arrêtées après avoir été traquées ou dénoncées.
À la caserne Dossin, les enregistrements sur la liste du transport 23 débutent le 22 septembre 1943 et ce n’est qu’après 112 jours, le 10 janvier 1944, que la liste est clôturée. Y figurent les noms de 344 hommes et de 315 femmes. Ce transport comprenait également une liste d’évadés des trains précédents. Le 15 janvier 1944, le transport des Tsiganes est joint au transport 23. Les deux transports partent ensemble tout en restant séparés. En chemin, cinq personnes du transport 23 ont tenté de s’échapper, mais sans succès. Une femme, blessée par balle, succombe lors de sa fuite. Les quatre autres évadés ont été repris et redéportés plus tard.
À bord du transport 23 se trouvait Henri Sonnenbluck, un écolier de seize ans, ainsi que sa mère Chana. Le père Wolf Sonnenbluck (°26 juillet 1895, Budziwoj) et la mère Chana Malka Insel (°26 octobre 1901, Kolbuszowa) étaient des Juifs polonais qui avaient émigré en Belgique. En 1926, ils font célébrer leur mariage par un rabbin et un mois avant la naissance de leur premier fils, le couple légitime son union devant la loi belge. Leur premier fils, Henri, naît le 20 février 1927 à Borgerhout, Anvers. Deux ans plus tard, les parents ont un deuxième fils, Mayer (°25 novembre 1929, Borgerhout). La famille n’est pas strictement religieuse.
Lorsque l’armée allemande envahit la Belgique le 10 mai 1940, la famille prend la route de l’exode vers le nord de la France. Elle est rapidement contrainte de rentrer à Anvers.
En juin 1942, le père Wolf est arrêté et mis au travail forcé dans le Nord de la France. Ramené en Belgique, il est déporté à Auschwitz avec le transport XVI le 31 octobre 1942 ; le reste de la famille se cache à Hoboken. En novembre 1943, Henri et sa mère sont arrêtés et emmenés à Malines. Henri ne reverra jamais son frère, après sa déporté avec sa mère par le transport 23. Pendant le voyage, le jeune homme tente de scier une ouverture dans le wagon à bestiaux pour s’en échapper. Sa tentative est vaine : ses codétenus l’en ont empêché par crainte de représailles des SS.
À son arrivée à Auschwitz, Chana Insel a été gazée à l’issue de la sélection. Henri, âgé de seize ans, échappe à la mort immédiate et est mis au travail dans le camp de concentration. Il est envoyé au Kommando Buna-Monowitz, le troisième grand camp de travail du complexe concentrationnaire.
Liste de déportation du Transport 23. Chana Malka Insel et Henri Sonnenbluck y sont inscrits sous les numéros 371 et 372.
Devant l’avancée des Alliés, les Nazis décident d’évacuer Auschwitz en janvier 1945. Henri et les autres prisonniers sont contraints de faire une marche de la mort jusqu’au camp de concentration de Mauthausen en Autriche. C’est là qu’il a été libéré par l’armée américaine au début du mois de mai 1945. Malgré sa mauvaise condition physique, Henri veut rentrer immédiatement en Belgique.
Après la guerre, Henri s’installe à Bruxelles où il travaille comme typographe dans une imprimerie. Le 26 juillet 1945, il épouse Sara Arbuz (°25 juin 1929, Anvers), une Belge d’origine polonaise. Ce n’est qu’en 1948, à l’âge de 21 ans, qu’Henri peut entamer la procédure d’obtention de la nationalité belge. Il a continué à vivre en Belgique jusqu’à la fin de sa vie, où il a développé sa carrière en tant qu’employé d’un journal communiste belge, puis dans un centre de formation à Bruxelles. En 1990, il a publié son histoire dans le livre “J’avais 16 ans à Aushwitz”, après quoi il a donné des conférences sur ses expériences. L’histoire de la vie d’Henri Sonnenbluck a été préservée pour les générations futures grâce à la publication de ses mémoires et aux entretiens réalisés en 2005 par Johannes Blum à Bruxelles.