Jenny Birnbaum

L’histoire de Jenny Birnbaum

Objets de la collection de Jenny Birnbaum – exposés dans la vitrine du rez-de-chaussée à partir du 28 février 2024.

(Faites défiler vers le bas pour voir les photos)

Schenja, alias Jenny Birnbaum (°19 avril 1929, Cologne, Allemagne) était la fille aînée de Simon Birnbaum (°13 août 1897, Checiny, Pologne) et de Salka Flescher (°23 février 1900, Stanislawow, Pologne). Ses frères et sœurs cadets étaient Esther, dite Erna, (°8 novembre 1931, Cologne, Allemagne), Joseph (°26 décembre 1932, Cologne, Allemagne) et Herschel (°4 novembre 1936, Cologne, Allemagne). 

Après l’arrivée au pouvoir des nazis, la famille Birnbaum subit de plein fouet les persécutions antisémites. Simon, le père, qui possédait un atelier de cordonnerie, a été contraint de vendre ses machines l’une après l’autre pour subvenir aux besoins de sa famille. Le 28 octobre 1938, lors de la « Polenaktion », il est parmi les 8.000 Juifs polonais arrêtés et expulsés à Zbąszyń, une ville polonaise proche de la frontière allemande. Un vaste camp de réfugiés y est improvisé. Les Juifs, démunis de tout, s’entassent dans de misérables baraquements et dépendent d’un maigre ravitaillement. Dans ce No Man’s land, les Juifs expulsés du Reich et refoulés par la Pologne sont bloqués pendant des mois. 

 

Juifs rassemblés à la caserne militaire de Zbąszyń © Yad Vashem

Lors de la Nuit de Cristal (9-10 novembre 1938), Salka et ses enfants, restés à Cologne, assistent impuissants à la destruction de l’atelier de Simon. Devant tant de violence, Salka élabore un plan pour envoyer sa fille aînée Jenny en Belgique via la Croix-Rouge. Toujours en contact avec la famille Mayer, ses anciens patrons, déjà réfugiés à Anvers, en Belgique, elle leur demande de l’aide. Ces derniers acceptent d’accueillir Jenny.

Cependant, la jeune fille, bien qu’autorisée à quitter le Reich, refuse de partir sans sa sœur Esther. Leur mère réussit à inscrire ses deux filles dans un Kindertransport organisé par le Conseil central des Juifs d’Allemagne. Jenny et Esther sont arrivées en Belgique le 24 décembre 1938. 

 

 

Garçons allemands et autrichiens arrivés en Belgique dans des Kindertransporten, devant le foyer Speyer à Anderlecht, Belgique, 1939 © Sammlung Walter Reed
Jenny Birnbaum
Joseph, Jenny et Esther, lors de leur exil en Belgique. © Kazerne Dossin, Malines – Coll. Birnbaum

Hélas, en l’absence des Mayer, déjà partis à New York, une autre famille d’accueil a dû être trouvée. La famille Lemarchand à Grand-Bigard a pris les sœurs Birnbaum en charge. Jenny y est maltraitée et exploitée comme femme de ménage et bonne à tout faire. Au début de 1939, Salka, désemparée, se résout à envoyer son fils Joseph chez les Lemarchand pour le sauver. Le 3 mai 1939, l’enfant retrouve Jenny et Esther à Grand-Bigard. 

 

Jenny, Esther et Joseph vivaient encore avec la famille Lemarchand lors de l’invasion nazie, le 10 mai 1940. En 1942, Jenny, Esther et Joseph, ciblés par les ordonnances anti-juives, sont exclus de leur école non juive. Les Lemarchand décident alors de se séparer de la fratrie parce qu’ils ne peuvent vraisemblablement plus s’en occuper. Jenny reste dans la famille, tandis que Joseph est envoyé à l’orphelinat juif dirigé par Jonas Tiefenbrunner, rue des Patriotes, 34, à Bruxelles. Esther est recueillie à Saint-Josse-ten-Noode par son professeur de littérature Mariette De Guchteneere et son mari Robert Duquenne. Le 15 octobre 1943, les Lemarchand s’installent à Genval, à une trentaine de kilomètres de Bruxelles, emmenant Jenny avec eux. Ils louent leur « protégée » à une autre famille où la jeune fille travaille comme bonne.

Le 19 avril 1944, Jenny a quinze ans. Conformément aux lois belges, elle doit obtenir sa carte d’identité auprès de l’administration communale de Genval. L’un des fonctionnaires communaux la dénonce à l’occupant. Le 23 mai 1944, à 5 heures du matin, deux Feldgendarmes font irruption au domicile des Lemarchand à Genval et tirent Jenny hors de son lit.

La carte d’identité de Jenny Birnbaum, délivrée à Genval, peu avant son arrestation © Archives générales du Royaume, Service des Victimes de Guerre, Bruxelles – Coll. Reliques
Jenny Birnbaum
Carte des camps de concentration et Kommandos © http://les-sanglots-longs-des-violons.eklablog.com/carte-camps-de-concentration-du-reich-a112809518

Après un bref passage à la prison de Nivelles, Jenny Birnbaum est envoyée à la caserne Dossin, camp de rassemblement pour Juifs. Le 26 mai, elle est inscrite sur la liste de déportation du 26e et dernier transport. Le 31 juillet 1944, elle est déportée à Auschwitz-Birkenau. À l’issue de la sélection, les SS estiment que Jenny est apte au travail. Envoyée à Birkenau, Jenny est identifiée par le numéro A24045 tatoué sur son bras gauche avant d’être mise au travail concentrationnaire. La jeune fille, en quête de beauté et de réconfort, collecte quelques petits objets qu’elle parvient à conserver pendant tout son parcours concentrationnaire.

Le 27 octobre 1944, de nombreuses femmes sont évacuées d’Auschwitz-Birkenau. Jenny aboutit à Landsberg, un Kommando de Dachau. Elle est assignée au service de la blanchisserie, où elle est contrainte de lessiver les vêtements des morts. Au printemps 1945, Jenny, très malade, a dû faire les marches de la mort jusqu’au sous-camp de Kaufering, à quelque 6 km de Landsberg. 

Libérée à Kaufering par les troupes américaines, Jenny Birnbaum est rapatriée en Belgique le 24 mai 1945. Elle revient chez la famille Lemarchand à Genval. Ce n’est qu’en 1946 qu’elle retrouve son frère Joseph et sa sœur Esther, sortis de la clandestinité et hébergés par la famille Duquenne. 

Après la guerre, les trois rescapés n’ont jamais eu de nouvelles de leurs parents ni de leur petit frère, déportés en Pologne. Simon Birnbaum, Salka Flescher et Herschel furent réunis à Stanislawow, en Pologne, le 11 juillet 1939. Les circonstances, la date et le lieu exacts de leur décès ne sont pas connus. Ils ont pu périr dans le ghetto de Stanislawow entre juin 1942 et juin 1943 ou être assassinés dans le centre d’extermination de Belzec avant avril 1943. 

Jenny épousa Raymond Camberlin, déjà père d’une fille, Manon, issue d’un premier mariage. Jenny a pris soin d’elle comme si elle avait été sa propre fille. Jenny et Raymond ont eu ensemble une fille nommée Brigit. La famille s’est installée en France. Jenny Birnbaum n’a parlé de son parcours qu’à l’âge de 72 ans. Son frère la décrit comme une « petite femme tenace, courageuse et malgré ce qu’elle a vécu, optimiste et aimant bien rire et blaguer ». 

Jenny Birnbaum est décédée le 16 mars 2019.